Le Trésor de la Casbah d’Alger
M. Marcel Emerit,
Professeur à la faculté des lettres d'Alger, Membre de l'Institut.
- La preuve de la spoliation.
- M. Emerit, via M. Flandin, cite le Vicomte Gabriel Donnadieu.
« Le sous-lieutenant Flandin,
dont il sera question plus loin, déclare qu'un ordre fut donné de réserver 100 millions pour la cassette du Roi,
  le Général Donadieu a lu la copie d'une lettre du ministre Polignac à M. de Bourmont pour lui donner cet ordre. »
- En Juillet 1830,
le Vicomte Gabriel Donnadieu, était en poste à Tours, il commandait la 4° division.
Il avait été nommé grand-croix de Saint-Louis par Charles X.
Il fut rayé du cadre d'activité, en Septembre 1830.
- Il avait été nommé député en 1820.
Il est remis en activité en 1822, il commanda une division en Espagne en 1823, et passa ensuite au commandement à Tours.
- En 1833, il écrit un livre : De l'homme et de l'état actuelle de la société.
- Dans ce livre, il présente les divers gouvernements,
qui se sont succédés depuis Waterloo, la seule allusion à M. Polignac est la phrase suivante :
« M. de Polignac s'en va à Alger, envoie l'armée, croyant par-là,
subjuguer par la gloire l'opinion qu'il redoutait, obtenir de bonne élections, et enfin avoir la majorité de la chambre. »
- Rien sur le Maréchal de Bourmont, rien sur le trésor d'Alger, pas un mot sur sa spoliation.
Note :
Je n'ai pas trouvé de lien entre le général Donnadieu et M. Flandin.
Le Vicomte ou le Général Gabriel Donnadieu, n'a jamais été cité dans les livres sur l'expédition ou sur la prise d'Alger.
Seul M. Flandin par l'intermédiaire de M. Emerit fait référence à son nom.
- L' évaluation du montant du trésor.
- J'ai été étonné de découvrir au cours de mes recherches,
que, par un seul Européen n'avait vu, simplement vu, ce fameux trésor avant le 5 Juillet 1830.
- Alors comment faire pour l'évaluer.
- Dans son livre, Relation d'un séjour à Alger,
écrit en 1817, M. Pananti, littérateur toscan, nous donne la liste des revenus ordinaires, pour la Régence d’Alger.
(ce livre a été traduit en anglais par M. Edward Blaquiére, et ensuite, il fut traduit en français.)
« Les revenus ordinaires du gouvernement d'Alger sont :
«la dinue», sur toutes les productions du sol, les tributs payés par les Berbères et les Bédouins, un droit de 2,5 % sur
les importations et exportations, une taxe de vingt dollars sur les bâtiments qui ancrent dans la baie ou aux môles,
le prix des licences appelées «reschera», les profits de la piraterie, et enfin les tributs des puissances européennes. »
- Rien sur le montant du trésor.
Un hiver dans le sahel Piere-Jean-Charles Frailong.

- Dans son livre, Esquisse de l’Etat d'Alger,
en version originale : « Sketches of Algiers», M. William Shaler, nous donne une première indication.
- Que nous dit, le Consul William Shaler, dans la traduction de son livre par M. Bianchi :
Ali-Kodja transporta sa résidence, ainsi que le trésor public, de l'ancien palais du Dey d'Alger, dans la citadelle.
- Mais dans la version originale, M. Shaler avait ajouté une petite note, concernant le transport de ce trésor.
« On this occasion, several persons believed that they could estimate the amount of the public treasury, by the time
that was taken to transport it by mules into the citadel.
It was spoken of at the time as amounting to the enormous sum of fifty millions of dollars.
I cannot pretend to have any distinct opinion upon this subject,
but there is no doubt of its amounting to a very important sum. »
- Donc, en bon français :
« À cette occasion, plusieurs personnes ont cru,
qu'elles pourraient estimer la quantité du trésor public, pendant son transport à dos de mules, dans la citadelle.
On a donné un chiffre comme s'élevant à l'énorme somme de cinquante millions de dollars. (Espagnol)
Je ne peux pas feindre de
n'avoir aucune opinion distincte sur ce sujet, mais il n'y a aucun doute, qu'il doit s'élever à une somme très importante. »
- M. Flandin, M. Emerit, et les autres, annoncent un chiffre de 30 millions de piastres fortes,
ou, de 160 millions de francs, mais, M. William Shaler, nous donne le chiffre de 250 millions de francs.
Un Dollar espagnol = une piastre forte d’Espagne = 5,43 francs.
Note :
En réalité M. Shaler William, n'était pas à Alger, lors de la nomination en Septembre de Ali Khodja.
En ce mois d'octobre 1817,
la peste régnait sur Alger, elle tua 870 personnes, elle avait débutée à la mi-Août, elle causera la mort de 6.095 personnes,
en moins de cinq mois, 5720 Musulmans, et 375 Israélites, elle se poursuivra jusqu'en 1822.
Maison mauresques dans le sahel Yvonne Kleiss-Herzig.

- William Sheller, consul des Etats-Unis, nous précise :
« Jusqu'à une époque assez rapprochée de nous, ils y ont trouvé (dans la piraterie), non-seulement des ressources
pour tous leurs besoins, mais même l'avantage d'accumuler un trésor, qui peut les soutenir encore bien des années.
Depuis 1815, la piraterie a été pour les barbaresques d'Alger,
sans avantages, et l'état des recettes et des dépenses pour 1822, peut être pris comme terme moyen depuis 1815. »
- 1822.
- Recettes 434.800 dollars, plus une taxe qui lui rapporte deux cent mille mesures de blé et six mille mesures d'orge.
- Dépenses 859.000 dollars, dont, solde des marins 75.000 et solde de militaires de tous grades 700.000.
- Le déficit de la Régence est de 424.200 dollars.
- La balance commerciale : Importations = 1.200.000 Exportation 273.000, déficit de 937.000 dollars.
- Dans une encyclopédie, publiée en 1834, à Richmond, en Virginie, Southern literary Messenger,
M. Thomas Willis Blanc, dans un chapitre traitant de la prise d'Alger par le Maréchal de Bourmont, écrivait :
« Shaler reckoned it at Fifty millions of dollars,
when Ali Kodja transferred his residence to the Cassaubah, his calculations were however founded only
upon the number and the probable values of the burthens of the mules employed to transport it. »
- Tout est résumé dans cette phase, dont voici la traduction :
« Shaler l'a compté à cinquante millions de dollars, quand Ali Kodja a transféré sa résidence dans Cassaubah,
ses calculs ont été cependant fondés, seulement sur le nombre et les valeurs probables de la charge des mules,
utilisées pour le transporter. »
- Mais, d'autres chiffres ont été cités :
-
Le ministre Clermont-Tonnerre avait donné le chiffre de 150.000 millions, bien qu'il reconnaisse que l'on « en rabattre» de
cette somme, ce chiffre a été susurré par le consul anglais, M. William Saint-John.
- Dans un livre, Residence in Algiers, écrit par M. Thomas Campbell, en 1842, M. Campbell confirme que le consul anglais,
n'a jamais vu le trésor, mais qu'une personne lui aurait confier qu'il s'élevait à 150 millions de francs.
« The day before Mr. Saint-John entrance the treasures had been removed, He had not a sight of them,
but a credible eye-witness described to him the masses of wealth which the place had but yesterday exhibited. »
- En bon français,
La veille du jour où le trésor a été retiré, (par les français),
M. Saint-John ne l’a pas vu, mais, un témoin oculaire crédible, aurait décrit la masse de richesse entassée là.
- Dans une deuxième édition de son livre M. Thomas Campbell dira, qu'il a fait une erreur, sur le jour de la visite du consul.
- Le chiffre de 48.684.407,94 francs, indiqué par M. Denniée.
- Le chiffre exact est de 48.684.527,94. francs.
- M. Denniée nous précise dans son livre, Précis historique et administratif de la campagne d'Afrique,
publié en 1830.
- En 1830.
- Un million en or pesait 666 livres, soit 333 kilogrammes.
- Un millions en argent pesait 10.000 livres, soit 15 fois plus lourds.
- Pour les transporter, il faut 7 à 8 hommes pour un million en or, 100 à 120 pour un million en argent.
- Lors du pesage,
étaient présent en plus de la commission, huit sous-officiers d'artillerie pour fermer et clouer les caisses.
Ces caisses, ficelées et cachetées, recevaient une série de numéros d'ordre, elles étaient stockées dans l'un des caveaux.
- Leurs transports étaient effectués par militaires de corvées commandés par des officiers, et sous la conduite
du payeur-général et des agents de la trésorerie.
- Le trésor ramener en France était composé de 24.768.598 francs en or, et 18.630.200 francs en argent.
- On a chargé en or pour 16.495 livres ou 8,248 tonnes :
- sur le vaisseau Le Marengo 13.218.598 francs.
- Sur le Duquesne 11.550.000 francs.
- On a chargé en argent pour 93,150 tonnes :
- sur le Scipion 5.100.600 francs.
- sur le Nestor 10.240.000 francs.
- sur le Vénus 3.289.600 francs.
- Les boudjoux algériens ont été conservés pour les besoins de l'armée pour une somme de 5.285.729,94 francs.
Place du marché à Gardaïa Maurice Bouviolle.

- Les Registres de la Régence.
- Histoire du Royaume d'Alger, écrit en 1720.
- Dans ce livre, M. Laugier de Tassy, nous précise :
- Dans le paragraphe, « de la paye de la Milice » :
La première paye lorsqu'un soldat est écrit dans le registre,
n'est que de 8 Saïmes, la haute paye, ou paye serrée est fixée à 80 Saïmes, c'est à dire six piastres fortes.
La paye se fait régulièrement, de deux en deux lunes, en présence du Dey, de l'Agha, et des autres officiers du Divan.
Chacun la reçoit soi-même dans la maison du Dey, des mains du Contador, en bon or, ou en bon argent du poids courant.
Celui qui se trouve absent, quand on le nomme, la reçoit, dès qu'il se présente.
Le Dey, les membres du Divan, les Officiers, touchent la paye dite serrée, seul l'Agha de la milice touche une paye différente,
d'un montant de 2.000 Pataques Chiques, pendant le temps de son exercice.
Le jour fixé pour la paye,
tous les officiers du gouvernement s'assemblent dans la salle du Divan et toute la milice dans la cour.
L'Agha, ou Général de la Milice, prend le poste du Dey, qui se tient auprès de lui, ainsi que le livre de la paye,
il fait l'appel des soldats en commençant par le Dey.
- Note :
Dans ce registre, on retrouve les noms des mois lunaire, par année de l'Hégire, avec un mois sur deux, la mention payé.
- Dans le paragraphe, « des Prises et de la vente ».
La prise étant amarrée au quai, le Dey envoie l'écrivain des prises, ainsi que l'écrivain du vaisseau du corsaire,
ils font déchargées, et mette les marchandises en magasins, les deux écrivains tiennent la liste exacte du contenu du bateau.
L'écrivain des prises s'empare pour le Dey du huitième des marchandises, et les place dans les magasins du Dey,
le reste est partage entre l'équipage et l'armateur du bateau corsaire.
La prise est vendue aux enchères, le montant est reparti de la même manière que les marchandises.
- Pas de trace de registre du Trésor.
- Travels or Observations relating to several Parts of Barbary and the Levant, écrit en 1738, avec une seconde édition en 1757.
- Dans son livre, que nous décrit le docteur Shaw :
- Concernant la solde des soldats :
Les forces militaires Turcs s'élèvent à 15.000 hommes.
Tout soldat admis dans la milice est inscrit dans une compagnie, sans y être attaché, mais seulement pour y recevoir la solde.
La solde augmente tous les ans d'environ 50 aspres, pour atteindre la haute-paye ou paye serrée.
La paye se fait régulièrement de deux en deux lunes.
Le jour fixé pour le paiement de la solde, tous les officiers du gouvernement s'assemblent dans la grande salle du divan,
et toute la milice dans la cour, l'Agha, tenant alors le registre de la solde à la main, prend la place du Dey, qui se tient près
de lui, et fait l'appel général, en commençant par le Dey.
Les Hojias ou cogias-bachis, c'est à dire grands écrivains sont les secrétaires d'Etat.
Il y en a quatre, le plus anciens tient les comptes de la solde des troupes, et des dépenses ordinaire et extraordinaires.
- Concernant les revenus de l'Etat, il nous précise :
Le Hazenadar ou cazenadar est le Trésorier général de l'état.
Il reçoit personnellement en présence du Dey et du Divan les fonds provenant des revenus de la Régence,
et en fait aussitôt le versement dans le hazena ou ,trésor, qui est une pièce située dans la salle même du divan.
Le Hazenadar doit tenir un compte général des dépenses de l'Etat,
il est aidé dans cette tâche par un Turc appelé
Contador, qui fait fonction de caissier.
- D'après le docteur Shaw seules les dépenses étaient inscrites dans un registre.
- Relation d'un séjour à Alger, écrit en 1817.
- M. Pananti précise :
La paye du soldat d'Alger,
est un des grands objets de l’administration, et le Dey la garantit solennellement en montant sur le trône.
Elle se délivre tous les deux mois, le Dey et les principaux officiers assistent à la cérémonie.
Chaque individu reçoit sa solde en argent ou en or, il est appelé à son tour,
et, s'il n'est pas présent, sa paye est renvoyée au terme suivant.
La solde est augmentée de cinq aspres tous les ans, et à chaque élection d'un nouveau Dey,
ou d'une grande victoire.
La rétribution du soldat croît ainsi progressivement pendant douze ou treize ans, au bout de ce temps, elle s'arrête,
et, devient ce qu'on appelle « paye fermée »,
le jour de la paye, le Dey, en tant que premier soldat de la Régence,
est payé le premier, et reçoit « une paye fermée », double.
Le coût de la solde est d'environ deux cent mille piastres fortes.
Une fois leurs temps effectués, les soldats passent le reste de leurs jours dans une retraite tranquille.
Paysage du Sud (Laghout) Camille Leroy.

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