Algéroisement......vôtre






   Souvenirs  d’enfance  à  Alger   (suite).



Impossible donc au voyageur,
  • surtout s’il est assis dans la remorque ouverte à tous les vents,
    de ne pas s’extasier sur le site,  ou d’arrêter son regard sur les navires à quai,  parfois de grands paquebots
    de croisières amarrés au bout du môle de  la Transat.
     
  • A l’autre bout,
    virage à droite à angle droit,  c’est la très courte  rue Vaysse,   ou  rue Waisse
    au coin de laquelle, on avait construit le bâtiment alors tout neuf de  l’Hôtel Aletti   ( Le Casino Municipal ).

L' Hôtel   Aletti.

Alger hôtel Aletti

Après quelques méandres,
  • le parcours se poursuivait tout au long de  la rue Sadi Carnot,
    une importante artère,  tout en longueur,  mi-commerçante,  mi-populaire,  où se mêlait une population
    composite en partie indigène.
     
  • Ca et là,
    des rues perpendiculaires,  tout au début,  à gauche,  notamment la  rue Clauzel  et son pittoresque marché
    dont j’avais fais la connaissance le lendemain de notre arrivée de France.
     
  • J’y avais vu pour la première fois des fruits et des légumes inconnus de moi   :
     
      • courgettes,  aubergines,  nèfles,  figues fraîches,  kakis,  grenades

    tous produits dont la vente n’avait pas encore atteint le Nord de la France d’où nous venions.



la remorque ouverte à tous les vents Alger.


A son extrémité,
  • du moins dans le sens que j’ai choisi pour cette déambulation ferroviaire,
    la  rue Sadi Carnot venait border   le Champs de Manœuvres,  lequel comme son nom l’indiquait,
    était un ancien terrain d’évolution des troupes à l’exercice.
     
  • On y avait depuis construit des  « habitations à bon marché »
    comme on disait alors.   ( ancêtres de nos actuels H.L.M. ).

    Mais,  il subsistait encore une vaste esplanade,
    où venaient parfois s’installer des fêtes foraines ou des cirques ambulants,  dont le célèbre  Zavatta.

Le Rond-Point du Champs de Manœuvres.

  • Sur la droite,
    dans le sens emprunté,  à l’angle de  l’avenue Margueritte,
    la caserne du Cinquième Chasseurs d’Afrique,  d’où s’élevaient parfois des sonneries de trompettes et
    où l’on apercevait en passant les petits chevaux au pansage,  battant de leurs fers les pavés ronds de la cour.
     
  • Et puis,
    on atteignait alors la   rue de Lyon,  on était aux frontières de  Belcourt,
    le faubourg populaire pendant de  Bab el Oued,  mais à l’est et habité d’avantage par des européens
    d’origine italienne,  tandis que  Bab el Oued était essentiellement espagnol.

    Je devais apprendre plus tard qu’Albert Camus  y avait passé son enfance.
    Je l’y ai peut-être croisé ....

La   Gare du C.F.R.A. au Champs de Manœuvres.

la Gare C.F.R.A. au Champs de Manœuvres


Cette rue de Lyon
  • était,  elle aussi,  à son départ tout au moins,  une rue à arcades,  où elle était alors jalonnée
    de quelques  « Bars des Amis »  d’où émanaient de forts effluves d’anisette, et sur le seuil desquels
    se tenaient des hommes désœuvrés qui portaient alors de lourdes casquettes à visières carrées.

    C’était la mode populaire vers les années 1929-1930.

Belcourt     la rue de Lyon.            

Belcourt la rue de Lyon Alger.

  Si l’on s’écartait
  • un peu à droite,  juste au coude que fait la rue de Lyon,
    avant de s’enfoncer dans  Belcourt,  on trouvait ma paroisse,
    l’église Saint Bonaventure,   où je fis ma première communion.


Ce faubourg de Belcourt,
  • s’articulait, sur cette interminable  rue de Lyon,  ce genre de voie que
    l’on trouve au sortir des grandes villes avant d’atteindre la campagne.
     
  • La campagne,
    on ne la trouvait pas vraiment,  mais les constructions se raréfiaient
    et on longeait des zones envahies de cactus et d’aloès.



 
Notre vaillant   C.F.R.A.
  • et sa lourde et bruyante motrice atteignaient alors le  « Jardin d’Essai »,
    la merveille botanique de la ville.
     
    • Une large allée,  majestueuse, s’ouvrait une fois passées les grilles d’entrée et elle allait buter
      à l’autre bout sur le bord de mer   :  la mer que l’on apercevait en décor de fond.
       
    • Là se trouvaient,
       
      • toutes les essences des arbres d’Afrique et une très grande variété de plantes exotiques.
         
      • Mais l’allée principale,  bordée de ces palmiers,
        conférait à l’ensemble une beauté grandiose dont le promeneur s’extasiait.
         

Là encore, la découverte du  Jardin d’Essai
  • dans les jours qui avaient suivi notre débarquement,  n’avait pas peu contribué à me faire sentir,
    combien,  je me trouvais plongé dans ce monde colonial,  jusqu’alors évoqué pour moi par le cinéma,
    ou la lecture,  mais qui devenait soudain la réalité de ma vie de tous les jours.

L’imagination est particulièrement fertile entre dix et treize ans   ( exactement les années que je passais en Algérie ).


Le Jardin d'Essai.

Alger le Jardin d'Essai.


Après le  Jardin d’Essai,
  • on gagnait  Hussein Dey,
    encore un grand village,  tout en longueur,  avec, parallèlement,  une route en construction,
    dont un tronçon était alors achevé,   la Route Moutonnière,   qui longeait la plage et que nous empruntions,
    parfois pour aller nous baigner,  un peu plus loin,  à  Nouvel Ambert  que l’on gagnait après avoir traversé
    un petit terrain d’aviation militaire où l’on pouvait encore voir,  sous les hangars,  des biplans vert-kaki,
    aux cocardes tricolores :  des  Caudrons  rescapés de la guerre de 14/18.
     
  • A Hussein Dey,
    nous étions allés rendre visite au  Sergent Bordenave  à la caserne du Génie,
    avec lequel nous avions noué connaissance sur le bateau,  une « aventure » tellement mémorable,
    que l’on se sentait en complicité indéfectible avec ceux qui l’avait partagée.

Hussein Dey     la Gare.

Hussein Dey la gare  Alger.



Le terminus du  C.F.R.A.
  • était  Maison Carrée,  un gros village sur  l’Oued el Harrach,
    où se tenait chaque semaine un marché important  (en partie aux bestiaux, notamment aux moutons),
    et où des petits restaurants réputés,  servaient aux algérois de passage la traditionnelle  « loubia »,
    plat de haricots en grains à la sauce pimentée,  spécialité culinaire de  Maison Carrée.

    Les  C.F.R.A.  desservaient également une ligne qui allait à  Kouba,  sur les hauteurs d’Alger.



La troisième société de transports
  • s’appelait  les T.M.S.   ( Tramways et Messageries du Sahel ).

    Le Sahel d’Alger étant la ligne de collines entre le littoral et la plaine de la Mitidja.
     
  • Apparemment la plus pauvre des compagnies,
    les T.M.S.,  exploitaient une ligne qui partait,  si mes souvenirs sont exacts,
    des abords du  Marché de la Lyre  pour s’élever par  les tournants Rovigo  sur les hauteurs de  la Kasbah.
     
  • Elle passait devant  la Caserne d’Orléans,
    où était cantonné le 8ème zouave (*)   et  le Pavillon du Coup d’Eventail,
    d’où l’on apercevait au cœur des pins un énorme obélisque,  la colonne du Fort l’Empereur.
     
  • Elle se dirigeait en traversant  les Tagarins,
    vers  El-Biar  qui était la destination principale de la ligne,  certaines voitures poussant,
    si ma mémoire est bonne,  jusqu’à  Chateauneuf  et  Ben Aknoun.

    (*)   Pendant les années 1950 à 1962, c'était le 9ème zouave qui était stationné là.

El-Biar         La rue principale.

El-Biar la rue principale Alger.
 
  • Le matériel était vétuste,  de vieilles motrices,
    ouvertes à tous les vents,  peintes en jaune,  et des remorques baladeuses de même couleur.
     
  • Traditionnellement,
    dans la première partie du parcours,  les petits arabes  couraient derrière le convoi,
    pour s’accrocher aux tampons de la remorque et se faire ainsi véhiculer le plus loin possible.

    Parfois,  le receveur les chassait en recourant à des injures gutturales,  dont la langue arabe a le secret.



Outre ces trois compagnies,
  • il existait aussi un service de petits autobus dont l’un,
    comme je l’ai déjà dit,  desservait le quartier de  la Redoute  alors en pleine expansion.

Un   Autobus   des   années   1930.

Autobus des années 1930 Panhard.
 



   Epilogue :