Le drame de Mers-El-Kébir
le 3 Juillet 1940.
Dispositions de combat !
Holland consentit à regret
- à confier à son ami la précieuse enveloppe qu'il ne devait donner qu'à l'amiral lui-même.
- Dufay la rapporta à bord, au même moment,
le sémaphore du cap Falcon signalait la présence au large d'une importante force navale.
- Gensoul avait donné l'ordre à tous ses navires,
de prendre les dispositions de combat et de rappeler à bord les hommes qui se trouvaient à terre.
La lecture du document envoyé par Holland ne fit qu'aggraver ses craintes.
- Il était rédigé, non par Somerville mais par le cabinet de Guerre britannique.
- Le texte était confus et contenait des contrevérités, il se terminait par l'énoncé
des quatre alternatives qui avaient été notifiées à Somerville dans les instructions de l'Amirauté.
Il était maintenant plus de 8 heures.
- Une légère brume couvrait la rade.
- Les hommes du pont s'affairaient à serrer les tentes pour prendre les dispositions de combat,
les mécaniciens et chauffeurs se préparaient à allumer les feux.
- Une activité fébrile avait succédé à la torpeur des derniers jours.
Le Bretagne en 1940.

- Tout le monde,
aussi bien sur les bateaux que dans les forts de la côte,
connaissait maintenant la cause de ce brouhaha,
mais l'amiral jugea le moment venu d'en préciser la gravité par un message.
Il fit signaler à tous :
Flotte anglaise nous ayant posé un ultimatum inacceptable,
soyez prêts à répondre à la force par la force.
- Fichtre ! le ton montait !
Que Diable avait bien pu raconter cet émissaire anglais pour provoquer une pareille réaction ?
- Au bout d'une demi-heure,
les deux vedettes étant toujours immobiles à l'entrée de la passe, aucun nouveau signal n'ayant été transmis,
l'excitation des hommes se calma, puisque ça durait si longtemps, leurs palabres, c'est que l'affaire s'arrangeait...
- La réalité, hélas ! était tout autre.
Dufay avait rapporté à Holland la réponse de l'amiral,
qui se bornait à répéter l'assurance donnée à l'amiral North lors de sa visite :
« Aucun bâtiment français ne tomberait intact aux mains des Allemands »
mais il ajoutait :
« qu'étant donné, le fond et la forme du véritable ultimatum qu'il avait reçu,
il répondrait à la force par la force »
La Provence en 1940.

- A la lecture de cette fin de non-recevoir,
Holland, blanc comme un linge, demanda
à Dufay de lui parler seul à seul dans sa vedette.
Il se lança alors dans un long plaidoyer pour légitimer la position britannique,
disant que son gouvernement ne doutait pas de la bonne foi des Français,
mais craignait qu'ils ne pussent tenir leurs promesse sous la pression de l'occupant.
Dufay répéta avec force
que sur ordre exprès de l'amiral Darlan, toutes dispositions avaient été prises et que en quelque lieu
et à quelque moment que ce soit
les bâtiments français seraient détruits plutôt que de se rendre.
- La conversation avait duré trois quarts d'heure, Dufay qui estimait ne pouvoir s'engager
au-delà des instructions qu'on lui avait données, demanda à prendre congé.
A son arrivée à bord du Dunkerque, il trouva réunis autour du commandant en chef,
les contre-amiraux en sous-ordre de la Force de Raid et l’amiral Jarry commandant la Marine à Oran.
Le Sémaphore du Cap Falcon .

- L’amiral Jarry, qui du bout du rocher de La Moune,
avait des vues beaucoup plus dégagées vers le large, observait depuis le matin les mouvements de la Force H.
Les allées et venues des cuirassés anglais dont les canons braqués sur Mers-el-Kébir,
et leur soucis de se dissimuler derrière les falaises du cap Falcon, lui avaient fait perdre toute illusion.
Il répéta le propos qu'il venait d'entendre de la bouche d'un des commandants de torpilleurs amarrés dans le port,
lui aussi placé aux premières loges pour voir le spectacle :
Ils viennent nous tirer dessus !
Souvenez-vous de Copenhague en 1807, Ils vont faire la même chose.
Un des amiraux, un Breton, qui connaissait peut-être moins bien l'Histoire,
mais qui était doué d'un robuste bon sens ajouta :
Ces gens-là considèrent tout ce qui flotte comme un ennemi en puissance.
Ils vont nous couler !
- Sans se départir du calme olympien
qu'il n'avait jamais cesse de manifester,
l'amiral Gensoul écouta les commentaires de ses subordonnés.
La lecture des explications données par Holland n'apportait aucun élément nouveau, tous furent d'avis,
qu'il fallait chercher à gagner du temps, car chaque heure passée améliorait la position de la Force de Raid.
- L'amiral Darlan devait avoir en main le message expédié à 8 h 45 au reçu de l'ultimatum.
Sa réaction serait probablement d'envoyer les croiseurs dont il disposait à la rescousse.
Les Anglais hésiteraient peut-être à engager un combat général qui ne pourrait servir qu'à l'ennemi.
Le Dunkerque en 1940.

- Gensoul se tourna alors vers son chef d'état-major :
« Danbé, vous porterez vous-même cette note à Holland pour tâcher
de garder
la porte ouverte à de nouvelles discussions. »
Et il écrivit ces quelques lignes dont la brièveté contrastait avec les arguties de la note anglaise :
- Ne puis que confirmer la réponse déjà apportée par Dufay.
- Suis décidé à me défendre par tous moyens.
- J'attire l'attention de l'amiral Somerville
sur le fait que le premier coup de canon tiré contre nous aurait pour effet de mettre
immédiatement toute la Flotte Française contre la Grande-Bretagne, résultat qui serait
diamétralement opposé à celui recherché par le gouvernement britannique.
- Danbé et Dufay rejoignirent la vedette anglaise à 13 heures.
La note qu'ils apportaient sembla décevoir profondément son destinataire.
Danbé essaya de reprendre le dialogue en répétant encore une fois l'assurance
que jamais les bateaux français ne tomberaient aux mains des Allemands.
Holland n'avait plus rien à dire.
Il avait largement dépassé les délais qui lui étaient
impartis et le Foxhound, qui s'était rapproché
lui avait fait savoir qu'un message l'attendait à bord.
Au moment de prendre congé, il serra la main de Danbé et murmura, cette fois en français :
« Permettez-moi de vous dire d'officier à officier, qu'à votre place, ma réponse eût été la même. »
La rade de Mers-El-Kébir en Avril 1940.
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